Le temps paraissait long en cette 1ere semaine de confinement, 5 minutes d'ennui s'inscrivant comme des heures interminables... On avait perdu l'habitude de prendre du temps pour faire les choses finalement, et il n'y avait pas que les gamins qu'on avait du mal à tenir en classe, qui avaient du mal à se concentrer plus de 30 minutes sur quelque chose.
Était-ce à cause de notre façon de vivre notre Monde, à 1000 à l'heure, en cherchant à avoir toujours plus, ou l'angoisse de ne plus jamais pouvoir le vivre de la même manière, qui commençait à nous faire nous poser des questions ? Le mix des deux était mortel, et commencerait à remuer les uns et les autres,qui bien malgré eux se retrouvaient faces à eux-mêmes. Chose qu'ils avaient pris pour habitude de fuir.
Fatoumata avait la tête remplie de questions sur Abdelkarim enfermé entre ses barreaux. Elle qui se retrouvait privée de sa liberté, le cœur plein, de celle qu'avait perdu son frère, il y a déjà des mois. Et reverrait chacun des choix qu'elle avait fait, venir lui renouer l'estomac pendant tout le confinement. C'était pas facile d'être la grande sœur qui tenait la route, d'un frère qui lui, en avait choisi une, pleine d’embûches. Fallait négocier entre le soutien, et la leçon à donner. Fatoumata, pour dealer avec ça, avait choisi de l'assumer, mais de ne pas aller le voir au parloir. Sa manière de lui montrer, qu'elle cautionnait pas. Mais comme elle déposait sa mère chaque semaine, s'y retrouvait quand même, à attendre sur le parking. Fallait mieux qu'elle s'occupe de lui trouver ses consos, plutôt qu'ils se mettent dans de sales bayes à l'intérieur, et ça lui permettait de le tenir un peu...Lui donnerait ce qu'il faut pour passer sa peine, mais pas trop non plus, qu'il croit pas que c'est la fête. C'est dur de dire non à son petit frère. Et encore plus de repenser à toutes les fois ou on a du le dire. Des bruits de libérations anticipées commenceraient à courir par crainte d'entrée en détention du coronavirus. Et Fatoumata en secret, malgré toutes ses tentatives pour s'en empêcher, commencerait à se laisser aller à s'imaginer, le retour de son petit frère au bercail...
Le Grand Bilel, avait de plus en plus de mal à éloigner de son esprit les questions que son mariage de façade lui posait. Et les 5 fois par jour ou il devait s'enfermer dans la salle de bain pour faire croire qu'il faisait ses ablutions commencer à lui donner mal à la tête. Assis sur le rebord de la baignoire, repensait aux arguments qu'ils s'étaient donné à l'époque pour l'épouser. Rendre fier ses parents, avoir une fille bien, dans le dinn, pas connue, et belle bien sur, parce que Bilel c'était pas n importe qui. Et se rappelait comme les siens avaient vendu du rêve à la famille de Aïcha le jour ou ils étaient allé leur demander sa main. De l'extérieur, c'était l'histoire parfaite. Il avait fait un grand mariage, pour se pavaner devant toute la tess, avait fait pâlir d'envie les filles, était pris en exemple par les garçons, et ça collait très bien avec l'image que le grand Bilel à l'époque, voulait se donner. Il avait pas de problème à mener sa double vie au départ, s'organiser très bien pour porter son masque à la maison. Mais au fur et à mesure qu'il avait découvert la préciosité de Aicha, avait de plus en plus de mal à lui faire croire à l'image du mari parfait qu'il faisait semblant de se donner. Plus elle était vraie avec lui et plus se devait d'être faux avec elle, pour ne pas la décevoir, et ça commançait à lui peser fort, enfermé bien plus d'heure que d'habitude par jour, avec elle.
Hich, on aurait aimé que le confinement l'aide à se poser des questions. Mais la surchauffe et la frustration, à lui, ça lui faisait pas ça. Hich dans la vie il avait fait d'autres choix, que ses pulsions, plus grandes que lui, avaient toujours portées. Il les masquait un peu dehors, mais avait choisi d'évoluer dans un milieu dans lequel, elles servaient de toute façon son personnage. A la maison, par contre, ne se cachait pas, ne se retenait pas. Et parfois utilisait la liberté de ne pas avoir a porter son masque à la maison, comme argument.
Hamza c'était Mehdi et Noham qui pour le moment lui posaient des questions. Il était passé chez tata Rabla en fin de matinée, mai avait trouvé porte close, Noham derrière, lui expliquant qu'il n'avait pas les clés pour ouvrir, et que sa maman dormait. Il est resté quelques minutes derrière la porte, à discuter avec Noham, il a demandé des nouvelles de Mehdi, mais lui, n' est pas venu derrière la porte. Hamza s'est dit qu'il repasserait en fin de journée, et s'est demandé dans quel état il allait retrouver Rabla, qui selon les dires de Noham, avait fait un peu la fête, et s'était couché au petit matin...
En partant, il a croisé la petit vieille sur la coursive, qui faisait sa tournée de javel du jour. " - Vous avez peur du virus Madame ? - Peur? J'ai peur oui, mais pas pour moi. Moi j'ai fait mon temps, c'est pour vous que je m'inquiète, les jeunes. Moi je ne sors pas. Mais vous, vous êtes toujours là, votre jeunesse comme armure...A vos âges, on se croit invicible." Alors c'était pour eux qu'elle le faisait finalement ? Elle qui les maudissait toute l'année dans les étages ou depuis sa fenêtre, mais quand même, voulait préserver la zone du virus. Hamza, qui avait retenu l'information que la petite vieille ne sortait pas, décidait cet après-midi là, de lui ramener des petites douceurs de la boulangerie. Il a tapé à sa porte, elle a demandait qui c'était, mais elle connaissait pas le prénom de Hamza. Alors il lui a crié derrière la porte, que c'était le jeune de ce matin, et que pour la remercier, il lui avait ramené un petit quelque chose, qu'il lui laisserait devant sa porte. En partant, il a attendu la porte de la petite vieille s'ouvrir, et est parti en direction de l’ascenseur. Et la petite vieille, en ouvrant le paquet, découvrirait les pâtisseries choisies par Hamza, et se dirait, qu'il était quand même gentil, ce petit voyou.
Aujourd'hui, Hamza et l'équipe du bloc 31 auraient quelques aménagements de poste à faire. La pression policière qu'avait connu le four cette semaine là, avait poussé Jack a passer à l'offensive. Son plan avait 2 objectifs. L'objectif numéro un, permettre à ses équipes de recharger le four, avec les réserves qu'il leur restaient, dans quelques garages louaient par des tiers, à l'extérieur de la cité. Avec le confinement on assistait à une hausse importante de la demande, et ici vous le savez, le four ne meurt jamais. Objectif numéro 2 pour Jack, remettre à leur place les flics, qui cette semaine c'était beaucoup trop cru chez eux selon lui. Le plan était simple, pas de nouveautés. Une partie de l'équipe serait positionnée dans les étages du bâtiment qui accueillait avant l'ancienne crèche de la cité, seul bâtiment du quartier qui n'avait pas encore été transformé en four. Depuis là, tendraient un guet apens à une patrouille à l'aide des feux d'artifices qu'avaient ramené Jack quelques jours auparavant. Et les forces de l'ordre concentrées sur le bâtiment, ne verraient que du feu à l'entrée au même moment, à l'opposé du quartier, de la cargaison qui venait réalimenter le four. Cette méthode, elle leur venait de Kamel, qui à l'époque ou il était en vie, et tenait le four, avait eu l'idée de mêler l'utile à l'agréable, et régulièrement, arrosait la cité de feux d'artifices. Pour faire rayonner son chiffre d'affaire, emmerder les flics, mais aussi et surtout faire briller les yeux des uns et des autres, et participer à changer l'image qu'avaient les habitants, du four. Ils les empêchaient de prendre l’ascenseur, de dormir et de vivre, mais le weekend parfois ils avaient droit à des feux d'artifices... Et les yeux de tous rayonnaient de ces mille feux, et ça faisait son petit effet... C'était plus facile de se laisser emporter par les lumières et les couleurs, que de se bagarrer tous les jours contre l'enfer que finissait par imposer le four.
Sur les réseaux, entre deux vidéos du guet apens du four, on militait contre l'incapacité de l'Etat à répondre à la crise. La situation et oui, nous faisait forcément nous poser des questions sur le Monde dans lequel nous vivions. Remettez en cause les coupes budgétaires, les délocalisations, le capitalisme, la mondialisation.... On se retrouvait là, bien cons. Ah Cette grande France...qui envoyait à la mort, ses soignants sans masques et protection... Et on cherchait des remèdes, se transformant en scientifiques, derrière un grand chevelu venu de Marseille, qui semblait avoir trouvé la solution. Comme d'habitude, venaient se mêler aux débats, les intérêts économiques des laboratoires pharmaceutiques, et leur amitié avec l'Etat. Et nous impuissants, regardant le Monde qui nous oppressait déjà tous les jours, nous assommer un peu plus...
Alors qu'il était entrain de fumer son pétou du soir sur la coursive, Hamza a reçu un message de Mira sur son bigo. Il était sec, « donnes des nouvelles », et finissait par deux petits smiley, l'un au sourire crispé dont on voyait tous les chicos, et un autre, de la fumée lui sortant des narines. Et renouvellerait sa tentative tous les jours, jusqu'à ce qu'il finisse par craquer, Hamza le savait. C'était pas anodin, un message de Mira ce soir, qui avait du tomber sur les images de l'attaque aux feux d'artifices.... Et pour éviter une discussion, Hamza lui enverrait une photo de sa vue depuis la coursive, qui pour cette fois suffirait à la rassurer.
Ben's
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