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  • Bens

Le Four ne meurt jamais episode 8




Dès 11h45 ce mardi là, on avait vu les premières patrouilles s'installer aux quatre coins du secteur. Et un quart d'heure plus tard ils avaient lancé leur première attaque sur le poste, pensant à tord, que ça l'éteindrait pour le reste de la journée. Naïf qu'il est, celui qui ne sait pas que le four ne meurt jamais...

Les petits gars du poste, les feraient courir toute l'après-midi en bas des tours et dans les étages. Et manque de bol pour eux, le petit Bilel bossait ce jour là. Plusieurs années déjà que Mr Fral le prof d'EPS lui martelait la tête avec ses compétences en athlétisme. Il avait repéré le gamin alors qu'il avait fait courir deux surveillants dans tout le collège un vendredi après-midi pour esquiver une colle. Le petit Bilel avait fini par sauter le grillage, et Mr Fral, presque d'étouffer en buvant son café devant la fenetre de la salle des profs, en ayant cru apercevoir la pépite qu'il avait attendu toute sa carrière. Mais le prof, n'était pas le seul à avoir remarqué le petit Usan Bolt en puissance. Les gérants du poste, étaient déjà sur le coup, et c'était depuis qu'ils lui prêtaient de l'attention, qu'il avait commencé à déconner au collège. S'en était suivi des mois de combats acharnés pour le petit Bilel. D'un coté les mecs du poste et de l'autre l'équipe éducative du collège et au milieu de tout ça, la mère de Bilel, qui passait de longues heures à pleurer chaque semaine dans le bureau du principal. Pas besoin de vous préciser qui a fini par gagner à la fin. Et Hamza, qui connaissait bien la mère de Bilel, faisait tout pour pas la croiser depuis.

Dans la journée, Hamza est parti déposer des attestations de sorties au dar,et a expliqué au petit Bilel, essoufflé, ce qu'il fallait cocher dans la longue liste de motifs t'autorisant une petite sortie pendant le confinement qu'on avait annoncé pour 15 jours. Une liste, que Bilel, fâché avec la lecture ne prendrait même pas le temps de lire. - « Quoi je peux pas mettre « travail » zerma » ? Rires. - Un jour peut-être. » Hamza et Bilel ne croyait pas si bien dire. Des mois plus tard, mais ça, on ne le savait pas encore, certains évoqueraient le service-public qui avait été assuré par les fours en matière d'apaisement de la population, dans la crise que nous avions traversé, le prochain coup qu'on mettrait la légalisation du cannabis sur la table.

En allant ranger la chaise pliante qu'il avait prêté au Petit Bilel pour la journée, dans la cave du bloc 31 qu'il avait négocié avec une famille du coin, Hamza a croisé celui qu'on appelle El diablo. Il l'a pas reconnu tout de suite, en combinaison blanche de peintre et avec son masque sur le visage, mais il a reconnu son quad, et sa manière de casser le bitume.

El Diablo, c'est un jeune du quartier que Hamza fréquente pas trop. Ils sont de la même génération, mais leurs familles ne sont pas en bons termes depuis ce qui s'est passé. L'oncle à El Diablo, c'était le mari de la tante à Hamza, avant. Avant, qu'il ne commette l'irréparable. Mais cette histoire Hamza n'en parlait pas. Il était comme ça Hamza. Et puis, ce n'était qu'une histoire, dans une longue liste d'autres,plus sheitanesques les unes que les autres, dans lesquels on retrouvait toujours un membre de leur famille. Et ça a avait donné son nom à El Diablo.

Fallait reconnaître à El diablo son sens de l'esthétique ce jour là, en combinaison déambulant sur son quad, avec son masque de clown entre les tours. Hamza s'est dit qu'il aurait fallu qu'ils remontent quelques semaines en arrière, le jour ou ils ont tous tourné le clip de Gregouz, un des rapeurs de la Cité. Les clips que Gregouz tournait à la tess c'étaient de grands moments. Il n'y avait plus d'histoires de terrain, plus d'embrouilles entre les uns et les autres. Pendant 3h de temps on oubliait les guerres, revêtait (en scred) son plus beau survet, et posait bo goss, la tête haute, derrière Gregouz, au premier plan. Tous ensemble, faisant mine d'une grosse équipe solide et solidaire, comme avant, à l'époque ou ils étaient tous des gosses..Alors qu'en vrai certains d'entre eux, avaient commencé à s'entre tuer depuis. Elles seraient bien passé les images de El Diablo dans le clip, faisant le show masqué sur son squad. Il y avait vraiment que la perspective d'un clip de Gregouz pour motiver à Hamza une pensée comme celle là, parce que d'habitude quand il le croisait, El Diablo, il l'envisageait plutôt sous un bus, et comme d'habitude, en le croisant, ne le saluerait pas.

Hamza avait récupéré un smartphone hier avant la fermeture du taxiphone en prévision du bordel à venir, pour y mettre sa 2ème puce, celle de sa vie perso, celle qu'il ne met pas dans son petit bigo. 3 jours qu'il l'avait pas allumé, notifications, sms et messages sur le répondeur. Sur les réseaux ce jour là, les premiers groupes « Coronavirus » voyaient le jour sur les snapchats, facebook et whats'app des uns et des autres. Souria roulait, cagoulée dans sa caisse pour aller faire les courses, bénissant ce jour si cher à son cœur, ou elle y était enfin autorisée. Fatoumata faisait tourner les chiffres en hausse du coronavirus de BFM, accompagnées d'invocations de Dieu, pour nous protéger de tout mal. Les gosses de la Tess prenaient des photos avec la mention « condamné », eux qui s'étaient déjà fait sortir de l'école depuis 4 jours. Plusieurs sms de la mère de Hamza, dans sa boite de réception, qu'il avait pris le temps d'appeler la veille depuis le taxiphone. Et un message de Mira sur le répondeur qui lui demandait des nouvelles. Il s'est rappelé comment Mira avait récupéré ce numéro. La nuit ou Driss,a pris des coups de couteau sur le parking d'une boite...Il l'avait prévenu pour qu'elle aille à l’hôpital soutenir sa daronne. Et elle l'y avait retrouvé, fantôme, après l'annonce des médecins de la mort de son fils. Il l'appelait pour des trucs comme ça Mira, pour les moments ou ils se sentaient pas les épaules, ou qu'il pouvait pas se permettre.

Hamza, y avait surement repensé parce qu'il avait justement croisé Balou, son cousin plus tôt dans la journée. Didi, le gérant du « Didi Vamos », le food truck du quartier (on aura l'occasion d'en reparler ), faisait saddaka de ces tiramisus invendus du weekend. Balou, était entrain de négocier le dernier plateau avec Santos, éducateur au quartier, qui s'appuyait sur les derniers engagements de Balou vis à vis de son régime, pour ramener l'autre moitié du plateau à la maison. Balou, a pas trop négocié avec le grand qui l'avait vu grandir, et puis fallait qu'il fasse vite pour esquiver le « Général », ancien militaire, et coach du quartier (on aura aussi l'occasion d'en reparler), qui s'était donné entre autre comme mission, de retour dans la vie civile, de remotiver tous les jeunes du coin qui passaient leur vie un tacos à la main.

A la fin de journée, usés par le four qui leur avait fait courir un marathon, les patrouilles approchaient les postes de la Cité en voiture, et les inondaient de lacrymo qu'ils jetaient par la fenêtre, sans même plus prendre la peine de descendre de leur véhicule. Les habitants du bloc 31 ne seraient pas au balcon comme d'habitude, à part Karimou, jeune du coin et gilet jaune, à qui le gaz qu'il avait inhalé dans les manifs, commençait déjà à manquer.

A Zinou <3

Ben's

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