« Il était en effet dans cette redoutable Cour des Miracles, où jamais honnête homme n'avait pénétré à pareille heure ; cercle magique où les officiers (…) qui s'y aventuraient disparaissaient en miettes ; cité des voleurs, (…), ce ruisseau de vices, de mendicité, de vagabondage(...), ruche monstrueuse (…).C'était une vaste place, irrégulière et mal pavée (…). C'était comme un nouveau monde, inconnu, inouïe, difforme, reptile, fourmillant, fantastique. » Victor Hugo- Notre Dame de Paris
Arnaud Bernard. Quartier d'accueil de toutes les vagues depuis la nuit des temps, Terre de rencontre de toutes les classes aussi loin qu'on s'en souvienne. Au cœur de la Ville Rose, à l’abri des regards, dans la profondeurs des ruelles qui croisent la Basilique Saint Sernin, et longent les barrières qui entourent l'université, derrière les titres sales de la Dépêche qui la dépeignent, aime, pleure, vie et meure, la Cours des Miracles, où on en aurait jamais vu un.
On entend sur ses murs et sur ses gens, toutes sortes de légendes urbaines, que nul n'envierait. On surprend contre ces murs et contre ces gens, toutes sortes de manigances et d'ignominies, que nul n'imaginerait.
La Cours des Miracles n'est pas étrangère, aux tensions et aux incompréhensions. A la stigmatisation qui fait, que sa réputation la précède, des fois à tors ou à raison. Vivant la misère sous toute ses formes, elle sait la valeur des choses, qui a priori n'en ont pas. Elle respire l'exclusion, celle qui a menée tout ou partie des siens jusque là. Connaît bien les injustices, que la précarité engraine. Avec elle, elle porte la souffrance, du manque de droits et de voix, de ceux, qui n'ont rien de tout ça. Elle connaît la violence qui saigne, et hématomes, à mains armées catégorisées ou pas. L'addiction à toutes sortes de choses, sombres histoires d'oseille et de pochons qui t'embrassent fort, les bras gonflés d'héroïne. La famine, qui arme de rage les ventres creux, La folie dans laquelle, certains ont sombré, pour ne jamais s'en relever... Elle est pleine de contradictions la Cours, celles des hommes et puis de celles des chiens. Elle est pleine d'histoires, dont on tire les leçons.
Ah si ils savaient ce qu'on lui fait, le traitement qu'on lui réserve à la Cours des Miracles. Ah si ils entendaient le bruit des milices qui se préparent à venir l'écraser. Si vous saviez la vérité, de tout ce qu'elle est, ah si vous saviez d'elle, tout ce que j'en sais, Ah si vous l'aimiez comme je l'aime, tout ce qu'elle serait.
La Cours des Miracles a toujours été, du plus loin que je puisse me souvenir,
un melting-pot sauvage.
J'ai grandit là, au milieu d'êtres tous plus hétéroclites les uns que les autres,
et j'ai dans ma mémoire d'enfant, le souvenir de nombreuses fois où,
je me suis demandé ce que tous foutaient là,ensemble,
partageant les mêmes mots et les même décors.
Enfant mais pas sotte,
je m’aperçus vite sur le chemin,
que ce qu'on me mettait sous les yeux depuis toujours,
n'était pas la norme du plus grand Monde
dans, lequel apparemment, nous vivions.
« Attention » Un ballon surgit dans le paysage. Un groupe de gosse refait la Coupe du Monde, entraînant avec eux, 2/3 gars qui passe par là.
La légende dit qu'on a vu le ballon aller ci haut dans le ciel, qu'il aurait été aussi haut que le clocher de la basilique qu'on aperçoit au loin. Tout là haut dans le ciel, entres les murs de la place, tout là haut dans le ciel, aux cotés de nos espoirs.
C'est comme cela qu'on a pu apercevoir,en plein cœur de la Cour des Miracles, le cachetonné au cœur sur la main, se soucier de l'allergie de l'avocat qui tousse en passant par là, lui recommandant quelques traitements efficaces selon lui,qui les connaît bien.
C'est comme cela qu'on a pu voir , les arracheurs de sac à main, posés là pour l'après-midi, aider la mama venue d'ailleurs et son fils à monter les courses à la maison, pendant que, la Tata à tout le monde dans le coin, en profite pour taper causette. Elle est bien seule depuis longtemps. Elle les aime bien ces petits gars là en bas, dont ceux d'ailleurs eux, se méfient. Elle leur achète des clopes, les dispute, avec eux elle a ses habitudes. A défaut d'en être vraiment une, ici, eux l’appellent Tatie.
En rentrant de l’école tout à l'heure, les gamins du coin ont croisé tonton béquille. Il leur a conté une histoire sur la lune et le soleil, un truc fin, sur les choses qui, de ce Monde nous éclaire. Ils sont partis en direction du parc, amusé par le talentueux poète kabyle, vêtu de rouge et de noir.
La légende dit, que dans la Cour des Miracles, nombreux sont ceux, qui ont trouvé une famille alors qu'ils n'en avaient pas. Nombreux sont ceux qui sont devenus des frères car la vie les avait amenée là.
Dans la Cours des Miracles, il y avait toujours de la place pour tout le monde. Même pour celui qui n'en a aucune nulle part, même pour celui qui ne rentre dans aucun moule. Oui, la légende dit que la Cours des Miracles est de ces endroits sur Terre où tout le monde peut prendre une place. On y aurait souvent vu des Hommes qui n'étaient rien, devenir quelqu'un.
C'est comme cela qu'on a pu voir, l'anarchiste sirotant son café allongé à 13h, construisant la révolution avec celui qui n'a ni droits ni voix. Et à côté le bourgeois faisant mine de ne pas entendre, en pleine leçon d'apprentissage de petits chevaux par le joueur invétéré du coin, devenu momentanément professeur. La légende dit qu'on a entendu souvent ici, la voix de ceux qui n'en ont pas, qu'il s'en est construit des choses fantasques, depuis les terrasses de la Cours des miracles.
C'est comme cela qu'on a pu voir un jour, le bon, la brute et le truand en grand écran, au milieu des bons, des brutes et des truands de la Cours des Miracles. Et tant d'autres choses qui, ailleurs, ne s'imaginent même pas.
C'est comme cela que l'on a aperçu sur la Place, un philosophe analyser la terrasse d'un kebab. Une famille qui passait par là, peine avec un enfant capricieux. Un exclu s'arrête, lui souri avec ce qu'il lui reste de ses dents et lui donne un bonbon. L'enfant, interloqué par la scène, ou les dents, se tait. La famille,effrayée d'abord, remercie l'atypique. On appelle.« Cigarettes, cigarettes! ». Mettant fin à la scène. Le philosophe est rejoint à sa table par l'exclu. « Je peux ?. » Il acquiesce, et les deux restent là. La légende dit que souvent on entend au loin dans la Cours des Miracles, les mots de discussions qu'ailleurs, on auraient même pas eu..
C'est comme cela qu' on a pu entendre le barman du coin, demander l'aide de la voisine fille de, étudiante en lettres, pour le dossier de surendettement du joueur invétéré du coin, qui passe tous les jours au bar. Et l'entendre parler de lui, au docteur d'en face pour ses problèmes d'addictions, et à l'imam pour lui confier sa foi.
C'est comme cela qu'on a aperçu le voyou sortir des toilettes du bar, et s'essuyer le coin du nez, il croise l'artiste qui boit un verre de vin. La légende dit qu' ils avaient échanger quelques vers, l'un de Fabe, l'autre de Verlaine, un soir, tard, sur la place autour d'un verre. Cette nuit là, ils avaient croisé un des clando du quartier, amouraché pour la nuit d'une bobo du coin, qui, la légende dit, fondue de passion grâce à du whisky et Metebkiche de Cheb Hasni....
C'est comme cela que sur la terrasse du bar, on peut apercevoir les mamans du secteurs, plaisantant des derniers « on-dit » du coin, La légende dit que dans la Cours des Miracles a sa place, celui qui la prend.
C'est comme cela qu l'on a pu apercevoir au loin, le libre penseur expliquer la philosophie de l'avenir au buraliste, et le beur, rieur, passant à côté, heureux d'y avoir échappé.
C'est comme cela qu'on a pu voir, l'ancien professeur devenu mendiant, changer d'acolytes sur son banc en fin d'après -midi. Passant des étudiants du coin à ces compagnons de nuit, les poètes miséreux de la Cours des Miracles. Le voyou, qui passait par là, leur donner un joint, en échange de le laisser tranquille pour la nuit. Genre de saddaka de la Cours des Miracles.
C'est comme cela qu'un peu plus loin, on a pu voir la Femme que l'on ne musèle pas qui passe, être emboucanée. Ne se laissant pas faire, elle est défendue par le commerçant du coin, qui reprend à l'ordre le manque d'éducation de ses agresseurs. Elle rejoint les mères au bar, et conte sa mésaventure à sa table, qui s'insurge. La légende dit que la Cour des Miracles est plein d'insurgés de toutes sortes.
C'est comme cela que l'on aperçoit un peu plus loin, le pickpocket qui rode. L'insurgé de sa condition, repère les lieux de son prochain larcin, salue de loin les habitués du coin. Alors que dans le secteur, des fachos passent, se nourrissant de la haine de tout ce qu'ils détestent, et qui fonctionne dans la Cours des Miracles.
Assis sur les marches là-bas derrière, la bande des beurs et la fille de l'Artiste et de celle que l'on ne muséle pas, qui refont le monde avec quelques packs à Terre. La légende dit que quelques pétard plus tard, l'un d'eux à déconné. S'en serait suivi un débat houleux, qui ce serait vite réglé, Puisque avec des si... Coup de téléphone sur un portable, c'est le Roi des Voleurs. Il arrive au bout de la rue. Les yeux de la fille brillent. La légende dit que ces deux là un jour, feront peut être quelques petits dans la Cours des Miracles. Comme d'autres, bien différents aussi, l'avaient faits avant eux. Comme tout est possible dans la Cour des Miracles dont la nuit se termine.
A l'heure où les malfrats se mettent en route. Quand les grilles en ferraille se baissent, à l’abri, dans les bas fonds, là-bas derrière, la vie de la Cour des Miracles continuent. les derniers mots et les derniers coups de peinture, Les dernières cartes et les dernières mises, les dernières embrouilles et derniers compromis, les dernières claques et les dernières leçons, les derniers joints et derniers fonds de whisky, les derniers grammes de poudre aux yeux qui s'ouvrent, et aux autres qui se ferment, les dernières rimes et les dernières notes d'une clarinette sous la lune dans les nuits de la Cour des Miracles.
Et Chaque jour, le lendemain,chacun retrouve sa place, et parfois même celui qui s'est manqué la veille. Car la légende dit que ici, dans la Cours des Miracles, l'homme est ce qu'il est. Pas plus pas moins.
La légende dit qu'un jour dans la Cour des Miracles, on a vu arriver des monstres aux grandes dents et aux gros porte-feuilles. Qu'ils étaient géants, et qu'on entendait le bruit de leur bottes résonner à travers toutes les rues. Ils sont arrivés sournoisement, avec à la bouche un petit air de Gentrification. Une chanson dont on avait jamais entendu parler avant ça dans la Cours des Miracles.
La gentrification : Phénomène urbain par lequel des personnes plus aisées s'approprient un espace occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil économique et social du quartier au profit exclusif d'une couche sociale supérieure.
Où l' hymne à la Mort pour la Cour des Miracles.
La légende dit qu'un jour, on assisté à la mise en place d'un climat de tension. Descentes de l'Ordre. Pour un oui ou pour un non. Pour un petit tour de routine, une embrouille ou un match de foot. Un crachat à terre, un mal-entendu ou un pas de travers. Pouf, Pif et PAF le chien. L'Ordre, face aux sans droits dans la Cours des Miracles, a les plein pouvoirs. Et la légende dit qu'il en abuse souvent. Face à l'outrage le chien tabassé au passage, est très souvent muselé, face à l'outrage la légende dit que le chien blessé est souvent déféré.
La légende dit aussi qu'à plusieurs reprises, on a vu l'Ordre les laisser s'entre tués entre eux dans la Cours des Miracles. Que parfois l'Ordre laisse exprès le désordre, pour mieux asservir les chiens. Un jour où il devait faire sombre, les monstres aux grandes dents,ont décidé de commencer à surveiller les chiens en permanence. La liberté avec ça, a pris un autre goût dans la Cours des Miracles. Un goût juste assez amère pour que tous les chiens veulent leur lâcher un gros nique ta mère. A l'Ordre et tout ses potes.
Ménage et Expropriation des Chiens. Phase d'adaptation de l'espace public à l'inadaptation. Enlèvement des bancs où s'assoient les chiens. Interdiction du marché des précaires, qui réunit trop de chiens. Piste de danse pour rogner sur l'espace des chiens. Terrasses interdites pour les chiens. Amendes hygiène, fisc pour les chiens. Open-bar de à peu près tout ce qui a un bâton et peut faire très très mal à un chien. Cordes gratuites pour les chiens qui voudraient se pendre volontairement.
La légende dit, qu'un beau jour, ils ont décidé que nous, les chiens, n'étions rien. Ils ont dit « NON » à la vie que nous menions. Ils ont craché sur la Cour des Miracles, veulent la détruire. Elle et ses histoires. Elle et ses chiens. Comme nous sommes. Eux, n'aiment pas ce que l'on est.
La légende dit que ce qui ne va pas dans leur plan les dérange, mais que le vendeur de sommeil vend toujours du rêve, et que le trafiquant d'être humain est toujours amateur de viande fraîche. Que les élites se rincent toujours, et que les flics tabassent toujours les chiens, ici, dans la Cours des Miracles.
La légende dit que même meurtrie, la Cour des Miracles continue, et continuera toujours de vivre. Parait que ceux qui la font, continuent d'échanger même dans le silence, continuent de respirer alors que l'air manque, continuent de se battre même après les défaites, continuent d'être, puisqu'ils n'ont jamais vraiment été qui que ce soit, à part entre les murs de la Cours des Miracles.
Parait que rien ne leur fait peur. Dans une norme qui n'est pas celle d'ailleurs, Parait que j'en avais vu plein, moi,des miracles, dans la Cours des Miracles, où en aurait jamais vu un.
Pour que la Cours des Miracles existe et signe. Pour ses atypiques, ses anormaux, ses pas banals. Ses saltimbanques, ses empêchés , ses gens perdus. Ses désespérés, ses déprimés, ses brigands et ses emprisonnés.
A ceux qui un jour l'ont fait, à ceux qui la font tous les jours, certains depuis toujours.
Pour ceux qui s'en sont allé à jamais mais qui un jour l'avait fait. A tout ce qu'ils lui ont laissé d'eux.
La légende dit, que dans un coin de Toulouse, existe, un Cour des Miracles, où on en aurait jamais vu un. Un endroit unique, où ceux qui n'ont aucune place en trouverait toujours une. Où celui qui n'a pas de voix apprendrait à parler Où celui qui n'a rien et n'est personne, deviendrait quelqu'un. Où ceux qui ne se parlent pas dans le Monde, échangeraient. Où on dirait à celui que personne ne veut, viens, sois, vie.
La légende dit que rare seraient ce genre d'endroit sur Terre. La légende dit qu' il n' y a plus d'après à St Germain des Près,
et qu'il n'y a de l'espoir qu'en Arnaud Bernard.
La légende dit que c'est l'Acte I d'une longue série.
Ben's.
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