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Il y avait encore pal mal de monde qui traînait dehors, ces premiers jours de confinement à la tess. Et surement plusieurs raisons à cela, se disait Hamza, en buvant son café sur la coursive pas loin de la porte à Rabla, un œil sur Noham, qui en avait profité pour sortir avec lui prendre un peu l'air.

D'abord, comme tout le monde, les gens du coin avaient minimisé l'affaire. On vivait des temps dans lesquels, tout ce qui venait d'en haut menait au scepticisme, et les vidéos aux ambiances complotismes qui tournaient sur internet, venait entretenir notre capacité à prendre les choses avec distance et à tout remettre en doute. A chaque fois que quelque chose se passait, on avait accès à tellement de sources d'informations différentes convaincantes, que même si t'avais été témoin du baille, après une vidéo trouvée sur internet, t'aurais été capable de le remettre en cause. Alors ça avait plus ou moins d'impact sur les uns et les autres, suivant ou on se situait,comment on s'expliquait la vie, le sujet abordé, et notre capacité à recevoir ce qui s'était passé... Pour certaines choses, c'était plus simple de les attribuer à des puissances obscures, ou à l'Etat, que d'entrevoir certaines réalités, qui remettaient en cause bien trop de choses, proches de nous, et nous rendaient fragiles... Et si certains gardaient les pieds sur terre quand même, d'autres finiraient par s'y perdre. Allant, pour certains, jusqu'à des mois qu'ils passeraient en détention pour des apologies, dont en réalité, au départ ils n'étaient pas, et qui remplissaient depuis quelques années déjà, les geoles des prisons françaises.

Ensuite, la démographie ici, avait son petit impact. Et un endroit habituellement gavé de monde, confiné,apparaissait en fait normalement peuplé, sous coronavirus. La zone, était surpeuplée, et c'était en plus le centre névralgique du commerce légal, et illégal du secteur . Tout se vendait, ou s'échanger ici, surtout des choses qu'on ne trouvait nulle part ailleurs, il y avait donc beaucoup de passage. Depuis la coursive, Hamza a aperçu l'Indien, venir récupérer de la marchandise dans le kangoo, dans lequel il entreposait les recharges de son stand pirate, situé en marge du marché quand c'était son jour, ou aux horaires réservé au « marché sauvage », illégal lui, qui avait fini par être là tous les jours, malgré les tentatives de la municipalité pour s'en débarrasser définitivement.

"L'Indien", c'était en référence aux "calumets de la Paix - Eh" comme il aimait les appeler, avec lesquels il se cassait la tête de jour comme de nuit. Mais l'Indien, ça ne l'empêchait pas d'être actif au contraire. C'était un peu son moteur de plus, au moteur hyper-actif qu'il avait déjà, et dont il avait besoin pour tenir son stand au marché tous les jours, bosser dans un snack du coin, avoir ses petits business, et assumer ces 4 gamins. C'était ce qui le faisait tenir. Il était comme ça l'Indien. Hamza s'est dit qu'il passerait le saluer plus tard sur son stand, sur lequel , trouverait peut être une bonne affaire.

Enfin la précarité ici, donnait à tous de bonnes raisons de sortir. Obligeait de chercher un moyen de nourrir les siens à certains, de garder leur toit sur la tête à d'autres, de s'aérer pour pas péter les plombs à la maison,de la faire évacuer si nécessaire, ou d'en fuir les murs, pour fuir aussi tel ou tel réalité. Pour les mêmes raisons, qui poussaient Medhi et Noham à rester traîner dehors, Nono a dealer,et Hamza à rester là. Celles qui poussaient Fatoumata et l'Indien, à aller charbonner. Le Grand Bilel à aller nighter le weekend, et Souria à faire des tours le son à fond dans sa voiture.

Hamza a fait un tour, à la fin du marché et s'est posé à petite distance de l'Indien. Ils se sont marré sur les condés de la municipales, qui peinaient à expliquer aux gens du coin les consignes de 1 mètre à respecter entre les gens, se tenant d'eux à distance ou une écharpe sur le nez.

Après un passage au four, Hamza est parti se poser sur le toit du bâtiment d'en face. Sur les réseaux circulaient des vidéos de la cité blindée la journée, et on rigolait, du temps qu'on passerait en confinement. Souria, avait posté une photo d'elle, âgée, sur les réseaux, à la fin, et le « a la fin du confinement challenge », avait commencé son tour de la tess. Le snap de Fatoumata, affichait des messages encourageant tout le monde a rester chez soi, pour nous protéger les uns, les autres, Gregouz avait posté une photo de son sellier plein de boissons du pays de poutine, d'un stock de pâtes chinoises à faire palir d'envie tous les gosses du quartier, et des pochons de toutes sortes, qui n'annonçaientt pas des activités de jardinage, avec la mention « équipé ». On aurait aussi ce soir là, des nouvelles du shtar de Abdelkarim, filmant un feu démarré avec des morceaux de PQ et de papiers en bas des fenêtres des cellules de la maison d'arrêt.

En regardant s'éteindre le soleil, Hamza a pensé, que si on voulait nous faire croire qu'il fallait juste attendre et prendre notre mal en patience, certaines réalités, elles,ne nous attendaient pas. Et ça Hamza, le savait bien.

Au fil des jours les relations commenceraient à se durcir avec les forces de l'ordre, dépêchées sur place pour faire respecter les règles de l'état d'urgence sanitaire dans lequel nous étions déclaré. Et ce soir, Hamza, entendrait depuis la coursive, les gémissements du premier jeune du quartier à en faire les frais.


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