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Bens


Au fil des jours, tout le monde s' installerait dans sa petite routine spéciale Coronavirus à la tess. Au petit matin, tu trouvais Karim le boucher, nettoyer le magasin du sol au plafond, masqué avec ses 2 redems, qu'il finirait par devoir mettre au chômage technique, vu la baisse à vue d’œil de son chiffre d'affaire. A droite, à gauche, t'apercevais travailleurs et travailleuses de la tess prendre la route. Kenza la femme à Didi du food truck, avait décidé de continuer à assumer son rôle d'aide à domicile de Mr Rénier, petit papi isolé de 96 ans. Continuer, c'était prendre des risques Kenza le savait, mais la muslima qu'elle était se refusait à laisser livrer à son sort l'ancien, dont la solitude, la faisait pleurer parfois le soir chez elle en y repensant. En cette première semaine de confinement, les darons partaient encore sur les chantiers, alors que se livrait un bras de fer acharné entre syndicats du BTP et gouvernement. Ce dernier attaché au proverbe « quand le bâtiment va tout va »,et bien aidé par la perspective d'une crise économique à venir, s'était mis en tête de finir quand même les chantiers de l'année , alors que le monde autour, lui s'arrêtait. Le soir aussi, ou très tôt le matin, tu voyais toujours une armée de daronnes partir au front, dans les différents hôpitaux et cliniques de la ville, majoritairement employées par « Datex », une boite d'entretien montée il y a quelques années. Mr Gérard, le patron, avait vite capté le filon que pouvait représenter les daronnes de la Tess, chez qui tu pouvais aisément manger par terre. Et en été, Mr Gérard pouvait compter pour les remplacer par leurs filles, qu'il employait avec plaisir pour leur 1er job. Un moyen de motiver les ados pour les taches ménagères dans les chaumières ,avant de les envoyer à Mr Gérard pour l'été... Si ta fille voulait pas faire le ménage, pas de soucis...un jour elle voudrait travailler pour Mr Gérard, et on y envoyé même certaines en stage avant de les marier. Sur la coursive, Hamza avait croisé Issam ce matin, s'en allant vers sa toute 1ere mission, rappelé pour la toute première fois de sa vie par la boite d'intérim. Ce confinement se révélerait très productif pour Issam, qui verrait beaucoup de choses de sa vie changer, mais on aura l'occasion d'en reparler. Hamza appréciait bien Issam. C'était un gars de bonne famille, sympa, qui parlait pas pour rien dire. Ils avaient fait un peu de business à l'époque ou tout le monde marchait en indé, mais quand le trafic avait commencé à s'organiser, Issam qui sentait la patate, avait décidé de ne pas être de la partie. Hamza respectait ça de lui. Au décès de Kamel, Hamza , Issam et Mira, avait eu une longue discussion sur le parking devant la salle. Mira encore sous le choc de la violence de ce qui s'était passé la veille, avait eu des mots durs sur le business et sur la route que tous étaient entrain de prendre dans le coin...Elle avait pris en exemple Issam, les choix qu'il avait fait et l'avaient écarté de ce qui s'était passé ce soir là. Pas Hamza.Il avait retenu ses larmes devant eux ce soir là... Et eux qui l'avaient très bien vu, avaient gardé ça pour eux.

Il croisait moins de monde que d'habitude Hamza sur la coursive mais était quand même tombé sur la petite vieille du 7ème. La petite vieille du 7ème, c'était le genre de vieille céfran, habitante de la cité depuis sa création, qui habituellement leur cassait les couilles pour un oui ou pour un non. Les mecs du poste, c'était devenu au fil des années leur quotidien de s'embrouiller avec elle, et on la soupçonnait meme de secrètement apprécier ça, tellement elle en redemandait tous les jours.Toute la semaine Hamza l'avait vu désinfecter les poignées de portes et les boutons de l'ascenceur avec un spray à la javel. Hamza s'était dit que c'était quand même étonnant, lui qui la pensait plus du genre à venir déposer exprès le coronavirus près des mecs du bloc...

Comme la petite vieille avait décidé d'un passage pour désinfecter le bloc tous les jours, Souria et Lina comme beaucoup d'autres à la Tess, avait organisé les temps de devoirs pour les petits tous les jours afin d'assurer la continuité pédagogique. Devant la bouche ouverte de son petit neveu Momo, face à ses 5 explications différentes du nombre de bonbons restants, après que Nicolas ( qu'elle avait rebaptisé Sarko) en ai mangé 4 ,Souria s'est vu lui faire avaler sa feuille, et a commencé à changer le regard qu'elle portait depuis si longtemps sur l'Ecole qui à cette heure ci, lui manquait tant. Souria et Lina, comme beaucoup d'autres, batailleraient toute la semaine. Avec les maths, le français, les langues, les sciences, l'histoire-géo, et souvent aussi leurs propres lacunes...Et finiraient par s'interroger sur l'importance de la continuité pédagogique, face à la continuité psychologique. Tu voyais aussi certains s'échapper soit disant pour les courses tous les jours. Les « échappés » étaient de tous profils, et Hamza, s'amusait à se demander ce qui les avait poussé hors de chez eux. Cette habitude, ça avait joué des tours à Nono, qui s'était déjà fait mancher plusieurs fois, pour défaut de sortie valable. Rabla, avait trouvé sa petite routine dans un nouveau cocktail de médocs prescrits et auto-prescrits dont elle avait le secret, pour tenir à la maison avec les petits. C'est pas qu'elle y croyait trop à cette histoire de corona, c'était surtout que l'assistante sociale avait téléphoné il y a deux jours, et qu'elle l'avait sermonnée sur le fait de pas laisser sortir les gosses. Mais eux, ses gosses justement tout ce qu'ils aimaient c'était passer leur vie dehors, qu'elle lui avait rétorqué. A vrai dire, ils avaient fini par préférer bien malgré eux, ce qu'il y avait dehors, de ce qu'il y avait à la maison... Et elle par fermer la porte d'entrée, et cacher les clés, pour s'éviter encore des problèmes. Hich sans l'avoir vraiment décidé en aurait besoin un jour sur deux ou trois au départ, ce qui ferait quand même un peu plus que d'habitude. Mais il ramènerait des friandises à la maison pour se faire pardonner, elle aimait tellement ça, peut être même plus que lui ? Le petit Bilel, continuerait de faire courir les flics plusieurs fois par jour au poste, dont le nombre d'attaques augmenterait de manière significative. Le four ? Le confinement ? Le petit Bilel? A la fin de la journée, on avait fait plus de tour de piste que vendu de la drogue avec tout ce bordel. Et ça finirait par obliger Jack à prendre certaines décisions, ce qui avait au moins le mérite de lui occuper l'esprit.

Sur les réseaux, on trouverait toutes les descentes du jour sur le snap de « Rolotov » un grand de la cité qui avait son petit public, qu'il s'amusait à faire tourner en version accélérée avec un son de cartoon. Fatoumata publiait chaque jour une photo du shtar de Abdelkarim, qu'elle avait décidé d' appeler tous les jours, pour vérifier qu'il s'était pas mêlé à la mutinerie en cours dans les maisons d'arrêt dans lesquelles commençait à monter la peur du virus. Oui biensur, il y en avait qui profitaient juste du moment...Mais derrière il y avait surtout la peur de finir là, enfermé entre ses barreaux...Bientôt pas mal d'entre eux seraient libérés.

A 20h, en passant en bas de son bâtiment, Hamza est tombée sur Souria, qui sans le savoir, donnait une leçon de citoyenneté à ses petits neveux, lançant pour la 1ere fois, sur le balcon à 20h , les applaudissements de la Tess aux soignants.


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