Elle était arrivée sur Terre,
un violent matin d'hiver,
où l'air du Monde était froid.
Elle avait foulé avant ça,dans le ventre de sa mère celle qu'on ne musèle pas,
les pavés de la Cour des Miracles,
où habitait déjà son père, l'Artiste à la vie au bout du pinceau.
Et d'un endroit où on disait ne jamais en voir, avait survécu par miracle,
l'enfant qu'à son 1er jour déjà le Monde, avait voulu étouffer.
Plantait là, au milieu des poètes, des rebelles et des saltimbanques.
Grandissant aux sons d'une fête, qui n'avait pas de frontières...
Stoppée net parfois par le bruit du tesson de verre,
qui entachait le sol de sang.
Ou le bruit de l'impact du pavais dans la vitrine,
et la lacrymo qui mettait la larme à l’œil,
dans la Cours des miracles dont la vie reprenait,
en même temps que les discussions sur les terrasses.
La Fille de, savait qu'elle n'était fille de rien, ailleurs.
Il n'y avait que là qu'elle était, la fille de sa mère et son père.
Et dans la Cours des Miracles, ils faisaient le bien
et étaient respectés pour ça.
Ils avaient toujours vécu là, en la faisant passer de bras en bras.
Et avec le temps c'était devenu la fille, la sœur,
la nièce,ou la petite à tout le Monde,la fille de sa Cour.
C'était comme une grande famille.
Elle avait autant de grand-parents, qu'il y avait d'anciens,
de tontons ou de taties, de frères et de sœurs,
de cousins,dans la Cours des Miracles,
et des petits nouveaux y débarquaient tous les jours...
Tous ceux qui comme elle y avaient grandit,
avaient des étoiles différentes que celles que les autres ont dans les yeux.
Si ailleurs on protégeait le plus longtemps possible les gosses
des cruautés du Monde, eux en vivaient un,
qu'ils savaient tout plein d'imperfections,
et dès le berceau, ils avaient appris à les trouver belles.
Ailleurs on peinait à vivre ensemble de bien des manières ,
eux, avaient toujours vécu tous ensemble sans en faire.
La Cour, elle était de toutes les couleurs,
et le facho qui malencontreusement était tombé là,
finissait branque, à s'alcooliser en criant des noms d'oiseaux à sa fenêtre.
A l’école de la République, il y avait les leçons,
et les travaux pratiques, dans la Cour des Miracles,
les témoins de toutes leurs contradictions.
Le genre qui te laissait des traces,
et les murs de la Cours qui se présentaient
comme rempart contre un Monde,
dans lequel finalement, on avait beaucoup moins d'alliés.
Ici, un rien suffisait.
Avec son frère, l'Algérounais, il leur avait fallu une seule nuit d'été, pour ne plus jamais se quitter...
Et le Marseillais, qui quand il les croisait, encore aujourd'hui,
des années après,leur chantait, une comptine,qui parlait de leur amitié...
La Fille dans la Cour était à domicile et y a découvert sa liberté.
Tu pouvais la trouver en début de soirée,
devant le snack, attablée, avec la bande des petits beurs.
Après deux, trois commentaires sur Omer,
derrière son comptoir,
le poto demande qui veut à boire.
Dehors ça rigole sur la dernière anecdote du secteur,
pendant qu'elle, piste secrètement l'arrivée du Roi des voleurs...
La nuit sur la place,
sous une nuit d'été, sous la neige et parfois sous la pluie,
pendant que certains portent le chapeau de paille et le pétard à la bouche,
et que d'autres jouent du ballon rond,
elle, se régalait à contempler son Monde.
Tirer les leçons, des histoires qui se produisaient sous ses yeux,
remarquer les sujets que certains voulaient taire en sa présence.
Prendre note des hasards, des coups du sort et des erreurs que certains avaient faites..
En savoir assez pour voir arriver de loin les chemins,
dans lesquels ils pourraient se perdre...
Il y avait toujours du passage dans la Cour.
Les chemins menaient tous ici hin, pas à Rome,
et même ceux qui la critiquaient,
finissaient par s'y retrouver.
Et de toujours la vie nous réserver, l'occasion de montrer à ses détracteurs,
qu'ils n'étaient pas les bienvenus dans le secteur.
Elle nous en avait donné à voir de belles revanches la Cour,
elle était si imprévisible,
que certains qui ailleurs faisaient les caïds,
devenaient ici de doux agneaux à son contact...
Et nous, l'occasion de se régaler de l'histoire,
attablés au snack, autour du meilleur thé du tié-kar.
Elle a ouvert les yeux,
dans les ruelles de la Cour qui avaient fait son enfance.
Autant de fois et plus encore,
que le sang avait coulé dans sa rue, et il avait fini par y couler souvent...
De la médaille ici,
on voyait encore et toujours autre chose que la face et le revers.
Eux au porche sur la place,
et le contrôle de police qui allait mal faire tourner leur nuit.
Le sauveur qui surgissait en faisant plus gros dégât encore,
qui finirait en GAV pour leur avoir sauvé la mise.
L'arnaqueur né avec le bagou et le poing,
qui faisait que carotter mais, qui avait le cœur sur la main quand il s'agissait des siens.
Lui, qui s’enfonçait dans la C pour faire partie du Monde,
elle qui rêvait d'y faire la révolution,
et puis leur histoire d'amour quand même...
Elle a ouvert les yeux,
et même dans le noir, ici a appris,
qu'on pouvait toujours trouver un peu de lumière.
Celui qui avait la souffrance et la rage au ventre,
que plus rien ne retenait, si ce n'était la place que seul eux lui donnaient..
Et la manière qu'il avait de le leur rendre,
tout ce qui lui restait...
Le débat douloureux sur la terrasse,
qui durcit le ton et nos tors,
après que certain l'autre soir, aient fait mortellement couler le sang...
Celui qui avant était seul, avec ses idées noires,
et la place qu'il avait prise chez eux,
en les déversant, libre, autour de la table...
Et la peine avec elle, dans la Cour, quand elle a perdu son père.
Et l'amour tout autour dans la Cour, quand il a pas pu enterrer sa mère.
La Fille de,
n'était rien d'autre, que la Fille de sa Cour .
Elle l'avait faite,
en avait dessiné les moindres contours.
Lui avait montré tout ce qu'elle savait du Monde,
et de tout ce qu'il restait à y construire.
Ce qu'elle irait en montrer et ce qu'elle en cacherait au Monde autour..
Les batailles que dans la Cour,
pour elle, il leur restait à livrer.
Les combats qu'ailleurs,
toujours pour elle, elle irait mener.
L'emportant toujours avec elle,
car dans la Cours des Miracles,
quand on y était né ou qu'on y était passé,
où qu'on aille après, elle nous suivait.
Ben's